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Laser atteint une puissance record de 10 pétawatts !

Le laser ultra-intense de Thales dont nous vous avions annoncé, en septembre 2016, la réalisation dans le cadre du programme de recherche européen ELI-NP (Extreme Light Infrastructure for Nuclear Physics) est devenu le plus puissant au monde avec une puissance record de 10 pétawatts. Soit 10.000.000.000.000.000 watts !

Trois années auront été nécessaires à Thales et à l'Institut national roumain de physique et d'ingénierie nucléaire Horia Hulubei (Roumanie) pour atteindre cette puissance. En 2018, ce laser était déjà capable de générer deux faisceaux de 3 pétawatts. Après la démonstration d'un faisceau délivrant des impulsions de 7 pétawatts pendant plus de quatre heures de fonctionnement en continu, le système Thales a délivré, le 7 mars 2019, ses premières impulsions avec la puissance record de 10 pétawatts.

Au-delà de la performance technologique, cette avancée bénéficiera à l'institut roumain de physique nucléaire, associé au projet ELI-NP. Ce système laser, dédié à la physique expérimentale et la recherche fondamentale, ouvre de nouvelles perspectives dans les domaines de la physique nucléaire, de la physique de la matière et la compréhension de la création de l'univers.

L'un des objectifs scientifiques premiers est de produire un laser suffisamment puissant pour créer un minuscule point d'énergie concentrée similaire à celui qui contenait l'univers au moment du Big Bang. Cela permettrait aux scientifiques d'envisager la création de matière à partir du vide, ce qui correspond au processus que l'on suppose à l'origine de la formation de l'univers. Autre exemple, on s'attend à des percées dans les projets de réduction de la radioactivité des déchets nucléaires.
laser ultra-intense

Comment est produite l'énergie nécessaire à ce laser et quelle quantité d'énergie est nécessaire pour générer ces 10 pétawatts ?

François Lureau : Les lasers ultra-intenses de Thales utilisent la technique du CPA (Chirped Pulse Amplification ou Amplification par dérive de fréquence) inventée par Gérard Mourou et Donna Strickland, prix Nobel de Physique 2018, qui permet l'amplification d'une impulsion ultracourte étirée spectralement et temporellement au préalable. Une impulsion laser de quelques fs (10-15 s) est étirée en utilisant un jeu de réseaux de diffraction jusqu'à plusieurs (10-12 s) voire ns (10-9 s). Ensuite, cette impulsion est amplifiée au travers d'un ou plusieurs étages afin d'augmenter l'énergie de l'impulsion laser. Ces étages d'amplification sont généralement construits avec un ou plusieurs autres lasers, appelés lasers de pompe, qui émettent de la lumière verte et avec des cristaux de Ti :Sa, le milieu actif qui a la propriété d'absorber cette lumière et de stocker l'énergie qu'elle transporte.

Cette énergie stockée est ainsi restituée au faisceau que l'on souhaite amplifier, en traversant une ou plusieurs fois le milieu actif. Une fois le niveau d'énergie souhaité atteint, l'impulsion étirée est compressée à quelques dizaines de fs au travers d'un compresseur construit avec des réseaux optiques et placés sous vide, générant ainsi un faisceau de puissance crête de plusieurs centaines de TW (10+12 W) jusqu'à plusieurs PW (10+15 W), la puissance crête étant le ratio entre l'énergie et la durée d'impulsion.

Ainsi, le laser Thales pour ELI-NP installé en Roumanie a généré des impulsions avec une énergie de 330 J avant compression, notamment grâce à l'utilisation d'un laser de pompe développé par Thales pour le projet roumain, l'Atlas 100 et la mise en œuvre d'un cristal de Ti :Sa de 200 mm de diamètre, le plus large composant de ce type jamais produit. Considérant l'efficacité du compresseur de 74 %, c'est-à-dire le pourcentage d'énergie réfléchie par le dispositif optique, et la durée d'impulsion mesurée à 23 fs, la puissance crête délivrée par le système laser est supérieure à 10 PW (330x74%/23).


Quelle est la suite du programme ?

François Lureau : La suite du programme consistera à démontrer le même niveau de performance avec le deuxième faisceau laser, le système Thales étant constitué de deux faisceaux laser de 10 pétawatts, mais aussi à installer le système de transport des deux faisceaux 10 PW vers les chambres d'expérimentation, dont la réalisation a été confiée à Thales fin 2017 par l'IFIN-HH, l'institut de physique nucléaire roumain en charge du programme ELI-NP et dirigé par le Pr Zamfir.

Ce laser peut-il atteindre une puissance supérieure à 10 pétawatts ?

François Lureau : Thales s'appuie sur une expérience de plus de 30 ans et un catalogue de produits qui ont déjà permis de construire deux systèmes laser de puissance supérieure à 1PW : le laser Bella installé en Californie au prestigieux Lawrence Berkeley National Laboratory et le laser Cetal installé en Roumanie à l'INFLPR.

Pour atteindre la puissance record de 10 PW, Thales a développé un nouveau laser de pompe Atlas 100 basé sur des technologies et composants existants mais intégrés de façon ingénieuse et innovante. Thales a également mis en place avec ses partenaires clés des programmes de développement spécifiques pour fabriquer des composants critiques à des dimensions encore jamais atteintes, dont un cristal de Ti :Sa de 200 mm. La performance obtenue en Roumanie est le résultat de travaux d'ingénierie permettant de pousser les technologies, de façon astucieuse, vers leurs limites mais sans les atteindre. Le système a probablement la capacité de délivrer un peu plus de puissance mais pas d'un ordre grandeur, cette puissance record offre déjà aux utilisateurs et expérimentateurs de nouvelles perspectives dans l'exploration de l'interaction laser matière.